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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 07:30

   
CINEMA-BIBLIOTHEQUE
la série phare des films racontés d’avant-guerre
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   Il y aurait un Rocambole entier à consacrer au « film raconté », véritable genre littéraire, à la croisée du cinéma et de la littérature populaire, qui connut son apogée dans les années 1920-1940 et perdura jusqu’à la fin des années cinquante, avant d’être supplanté par le « ciné-roman »1 . Un « film raconté » est tout simplement le récit romancé (la novellisation dirions-nous aujourd’hui) d’un film, accompagné d’un certain nombre de photographies dudit film, soit dans le corps du texte, soit en hors-texte ou dans des cahiers photos. L’un des titres les plus célèbres connut une existence phénoménale : Le Film complet commence sa parution en 26 novembre 1922 (avec Le Docteur Jekyll et Mister Hyde avec John Barrymore) pour s’achever sous l’occupation au numéro 2616 (juin 1944), avant de renaître juste après-guerre, sous divers formats pendant une dizaine d’années (680 numéros). Bi puis trihebdomadaire, Le Film complet, très bon marché (20 centimes en 1927 quand un numéro de Ciné Miroir en valait 60), connut un record de numéros publiés. Concurrent direct, le magazine Mon Film qui s’apparentait dans les années 30 aux grands magazines de cinéma comme Cinémonde ou Pour Vous, adopte aussi la formule du film raconté pour sa renaissance en 1946.

   Au cours des années vingt, tous les éditeurs populaires ont leur collection de films racontés : les Editions du film d’amour chez Offenstadt ; Les Films Dramatiques et d’Aventures et Les Films Favoris aux Editions Modernes ; Les Grands Romans Filmés aux éditions Mon Ciné ; Collection du Film chez Plon ; Mon Roman-Cinéma chez Rouff ; Ciné-Collection à la Renaissance du Livre, publiant notamment Le Cabinet du Docteur Caligari ; Les Grands Romans Cinéma et surtout la très belle collection Ciné-volume chez Ferenczi, qui publie plusieurs films de Tod Browning avec Lon Chaney.
 
   Tallandier se lance dans la course dès 1917, avec Les Chefs d’œuvre du cinéma, suivis de les Grands Films. Elle édite aussi Les Films Succès, Ciné Roman Film en 1933 et l’éphémère Le Film. Cinéma-Bibliothèque, plus apparenté à un roman que des séries fasciculaires comme Le Film Complet, reste sa collection phare, avec ses volumes luxueux qui témoignent d’un soin particulier, notamment pour la reproduction des photographies, dans des cahiers noir et blanc sur papier couché, et d’une pagination très confortable (96 pages).

Commencé en 1923, après 4 titres
non numérotés,
Cinéma-Bibliothèque
s’achèvera en
1939, engendrant une
série parallèle, dite « Série HS »
[pour Hors Série] et une collection
de prestige dite « Ciné Or ». Après
La Tendre Ennemie, le n° 722 publié
en 1936, la série prend une nouvelle numérotation sur 25 titres, jusqu’en
1938, année au cours de laquelle
elle se rebaptise « Nouvelle Série », avec encore une nouvelle

numérotation et 45 numéros.

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n°32 et n°33

Le format 16 x 24 cm ne variera guère (les « Ciné Or » et « série HS » seront d’un format plus carré2 ), ainsi que la présentation sur fond rouge, avec une photo colorée dans un immense ovale, adoptée après les soixante premiers numéros3 .
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n°123 et n°124
L’amateur relève au début des années vingt, un certain nombre de textes signés de romanciers populaires, reprenant des écrits adaptés au cinéma ou spécialement conçus pour la collection : Pierre Decourcelle (Gigolette, La Bâillonnée, La Brèche d’enfer, Les Deux Gosses, Les Mystères de New-York), Jules Mary (La Pocharde, La Fille sauvage, Roger la Honte, La Maison du mystère), Arthur Bernède (Impéria, L’Homme aux trois masques,L’Aiglonne, Vidocq, Mandrin, Surcouf roi des corsaires, Judex,
Belphégor), Michel Zévaco (Le Pont des soupirs, Triboulet, Buridan le héros de la Tour de Nesle), Marcel Allain (Les Parias de l’amour), Emile Richebourg (Andréa la charmeuse), Adolphe d’Ennery (Les Deux Orphelines, Martyre), Georges Spitzmuller (Les Deux Sergents, L’Homme sans nom), Arnould Galopin (Taô), H.J. Magog (L’Enfant des halles), Paul d’Ivoi (Les 5 Sous de Lavarède, Jalma la Double), Marcel Priollet (Le manoir de la peur), Albert Bonneau (Jim le conquérant), Georges Le Faure (La Grande Epreuve, Un cri dans le métro), Georges Ohnet (L’Âme de pierre), Jacques de Féraudy (Le Sous-marin de cristal), Charles Vayre (L’Article X : la traite des blanches, Lady Raffles), Félix Léonnec (Le Cheval du diable) et beaucoup d’autres. Les cinéphiles relèvent parmi les auteurs des films racontés quelques cinéastes ou futur cinéastes comme Camille de Morlhon (Cléôpatre), Germaine Dulac (Bêtes humaines), Léon Poirier (Verdun visions d’histoire), Jacques de Baroncelli (Feu !), Anne Valray (Escale), Léo Joannon, Maurice Cammage et Raoul Ploquin.
Reliques du passé glorieux d’une littérature populaire en plein essor et d’une presse cinématographique florissante, les films racontés de Cinéma-Bibliothèque sont aujourd’hui collectionnés pour les très nombreux titres prestigieux qui y furent adaptés. La liste est impressionnante : Ris donc paillasse (avec Lon Chaney), Les Damnés de l’océan (Josef von Sternberg), Moana (Robert Flaherty), Don Quichote (G.W. Pabst), Le Chanteur de Jazz (Alan Crosland), Hallelujah (King Vidor, sous le titres d’Âmes noires), Faust (F.W. Murnau), Sous les toits de Paris (René Clair), Méphisto (l’un des premiers films avec Jean Gabin), Prix de beauté (avec Louise Brooks), Scarface (Howard Hawks), La Fantôme de l’opéra (avec Lon Chaney), La Reine Quelly (Eric von Stroheim), Boudu sauvé des eaux (Jean Renoir), Remous (Edmond T. Gréville), La Chienne (Jean Renoir), La Kermesse héroïque (Jacques Feyder), La Fin du monde (Abel Gance), La Belle Equipe (Julien Duvivier), La Grande Illusion (Jean Renoir), Pépé le Moko (Julien Duvivier), Les Aventures de Robin des Bois (Michael Curtiz), La Règle du jeu (Jean Renoir, dernier numéro paru en 1940). La pièce la plus recherchée reste sans conteste le n° 523 publié en 1932 d’après une traduction d’Eve et Lucie Paul-Marguerite : le Dracula de Tod Browning avec Bela Lugosi.
brigittehelm1

Brigitte Helm
« L’air était frais, sain, réparateur. Une grande pureté semblait en émaner. Jean prit son amie par la taille et ploya le corps abandonné sous un long baiser réparateur.

FIN »
 
Paragraphe final de
Le Yacht des 7 péchés, avec Brigitte Helm
Cinéma-Bibliothèque n° 456, 1931

  Texte de Christophe Bier,
  paru en automne 2007 dans la revue Rocambole 39-40.
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Notes:


1 Appelation sujette à confusion qui désigne les publications constituées d’un film raconté sous la formé d’un roman-photo. Le ciné-roman ainsi défini n’a aucun rapport avec les films à épisodes (sérials) français des années vingt, dont les plus célèbres furent produits par la Société des Ciné-Romans de René Navarre. Ces publications de cinéma connurent leur apogée en France durant les années 1956-66, grâce à quelques grands éditeurs italiens : Franco Bozzesi (Star Ciné Roman, Star Ciné Aventures, Star Ciné Cosmos, Les Films pour vous...), Arturo Mercurio (Ciné Succès, Ciné Sélection, Avec Toi...), Ponzoni (Photo Roman, Votre Roman Hebdomadaire, Photo Aventures, les Récits du Shérif, Jungle Film…) et Rovelli (Roman Film Color, Roman Film d’Amour et d’Aventures…). Citons encore des collections prestigieuses comme Nous Deux Film, Sélection Nous Deux, les dernières années de Mon Film. Le phénomène perdure jusque dans les années 70 avec des collections de westerns européens (Star Ciné Winchester, Star Ciné Colt…) et des films érotiques (Cinéscandale, Ciné Sexy Film, Playfilm, Bigfilm…). Cf. les 4 premiers volumes du fanzine Star Ciné Maniac (éditions Fantasmak).


2 Et, pour L’Atlantide, d’un très grand format de luxe.


3 Cette présentation est aussi utilisée pour la réédition des premiers numéros qui avaient une autre couverture. Il existe aussi une vingtaine de fascicules « tout public » pour laquelle le fond rouge est remplacé par un fond bleu.

   
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