Courrier-express
A croire que le Camion était contaminé par le dieu fou ! (Alors que ce dernier, à ce moment précis, n’était pas plus fou que d’ordinaire – ce qui représentait malgré tout une performance certaine.)
Le Camion s’était garé non seulement sur le trottoir mais presque sur une boîte aux lettres qui en était devenue couleur canari hépatique.
Et le Camion ne voulait plus bouger !
Le dieu fou n’en revenait pas de ne pas devenir plus fou encore ! – c’était peut-être impossible – ! De la tête à la queue du Camion, il avait tout vérifié – même l’invérifiable, ce qui ne le dérangeait nullement – tout était en état de marche, surtout l’essentiel : les roues, le moteur et le reste.
Et le Camion était en panne !
Même l’ésotérisme de la situation était dépassé par les arcanes fondamentaux du moteur à explosion. Le dieu fou était prêt à imaginer des tables tournantes enrhumées d’un mauvais courant d’air qui aurait eu de l’asthme, tout en décryptant les dernières paroles de la cinquième roue de la charrette accidentée qui se retrouve peinte en blanc dans le jardin du voisin qui en connaît un rayon sur le spiritisme.
De toute façon le dieu fou ne croyait en rien – ou en tout.
Si bien qu’il se rappela que le pragmatisme existait encore. Pragmatisme qui se résumait en deux mots : fourrière !
Et si la fourrière n’était pas un danger pour les camions errants – on n’attrape pas les mouches au treuil hydraulique – elle le devenait pour les camions à l’arrêt.
Après maintes démarches auprès des services qui auraient pu être concernés : le commissariat du coin, le bistro d’à côté, le garagiste fermé, le S.O.S. en braille, le dieu fou en était au même point mort que le Camion.
Et ça aurait pu ne pas en finir puisque tout en était là.
Les PTT apprirent beaucoup plus tard que les boîtes aux lettres ne pratiquaient pas la téléportation. Et le Camion n’aspirant qu’à quelque repos, ne le savait pas.