Amour, quand tu nous viens…
Si l’amour était aveugle, le dieu fou était myope.
Même au téléphone.
Et le Camion, avec tout le bon sens populaire des camions, fredonnait d’une roue mutine, sur la route qui le conduisait où il allait, ce refrain – légèrement obsédant car il avait oublié les couplets – :
« Amour à lunettes, pourquoi tu persévères ? »
Heureusement que le Camion n’était pas à pied, il y a de temps de en temps des limites que le dieu fou ne franchit que parfois. Celle-ci n’en faisait pas partie… quoique – est-ce que ça aurait changé quelque chose au flou de la vision naturelle du dieu fou ?... Quoi de plus ressemblant à un flou flou qu’un flou flou ?
Ce discernement que le Camion établit au bout d’un moment – un moment aussi précisément incertain était quelque chose de rare – éclaira la voie qui devait être tracée depuis un certain temps déjà, d’ailleurs il faisait nuit, et bien lui en prit – à la nuit – car ce jour-là le dieu fou aurait pu passer à côté sans se souvenir que l’amour était aveugle et la nuit amoureuse.