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15 septembre 2008 1 15 /09 /septembre /2008 14:32
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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 20:07

De l’intemporalité du blues

 

 

            Le réveil fou en avait vu passer des choses.

 

Il avait vu la ville.

Il avait vu la campagne.

Il avait vu le dieu fou sur les trottoirs ou sous les arbres faire le chien pour un chat.

Il avait vu le Camion sur la route.

Dominique dans ses ascenseurs de printemps.

Les autres Dominique aux sentiers en fleurs et aux marches qui montaient.

Les ornières qui prenaient les œillères pour des rétroviseurs.

Les pneus qui laissaient les virages au fossé, les demi-tours à la marche arrière, le chemin de traverse à la crise de foie, l’hallucination au coléoptère, le têtard à la grenouille et les ouïes au Camion.

 

Il avait vu les pâquerettes qui mordaient les sacs de couchage.

Les vaches qui léchaient la campagne.

L’herbe qui regardait les vaches.

Les nuages qui se demandaient par qui ils se feraient manger, la pluie ou le soleil.

Il avait vu le sel qui accompagnait le crépuscule du steak.

L’escalier qui descendait à l’aube.

La gare qui s’arrêtait près du chenil et sifflait les serveuses et les boîtes aux lettres qui n’étaient pas encore arrivées.

Les capsules sauter les barrières de l’incompréhension de la côte de mouton envers le garagiste fermé et la dépanneuse altière.

Les lampadaires espions se syndicaliser aux PTT.

Les stationnements inquiets sous le regard noir de goudrons domestiques et de piétons assauvagis par les bandes jaunes qui écument les carrefours et les camions romantiques.

Le froid à lunettes qui s’enrhumait les branches quand le brouillard se ramassait à la cuillère et se coupait de tout.

Le sinus oblique, la branchie à tire d’aile remontant le boulevard jusqu’à l’hanneton et le pigeon qui n’a rien suspendu.

Le point mort du couteau, le cran d’arrêt du créneau, le pont des fêtes, la neige qui avait perdu Noël dans la doublure de son manteau.

Les poches qui manifestaient pour les droits des linceuls.

Le verglas qui s’était cassé une jambe en voulant prendre la route.

Le Camion qui dégela l’hiver.

Le dieu fou qui voulut s’en prendre à Eve.

Dominique qui s’en prit à Adam.

Le printemps téter Vivaldi par la racine.

Le bordel qui en résulta quand le feu rouge fut bleu et l’humanité bien cuite.

La dernière pomme à partager.

Le caramel qui n’était plus sur la pomme.

La chute du caramel sur les pieds de son ami le temps.

 

            Il avait sûrement vu passer autre chose.

            Et pourtant le réveil fou était triste.

 

            Il n’avait jamais vu passer l’amour.

Fin
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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 19:07

La poésie n’a pas besoin de tour de contrôle pour atterrir

            « Je te veux belle comme un avion de brebis ! »

            Le dieu fou tenait son poème par le bon bout avec cet alexandrin baroque.

            Ca plaira à Dominique se dit-il accoudé au comptoir de l’aéroport qui s’occupait des choses célestes d’ici-bas, dont Dominique. Celle-ci, pressée de revoir le dieu fou, avait pris la ligne la plus courte, donc la meilleure, pour mettre fin à la plaisanterie qui consistait en, ce qu’à la fin on ne savait plus qui c’était Dominique (à part le réveil fou qui ne le savait même pas au début).

            « Si j’ai l’avenir de ne pas te connaître… » continua le dieu fou. Non ! pas ça. Si j’ai l’avenir de ne pas te connaître… l’ambiguïté est trop précise.
            « L’agneau dans ses draps blancs tête l’herbe et s’endort, »
            « Et la nuit sans nuage berce une côte de porc. »

C’est bon, c’est moins cruel !

            « O ciel sans rivage, que je m’amarre à toi, »
            « Que ton air soit les fenêtres de notre toit. »

J’ai pas intérêt à le dire à haute voix !

            « Chez la boulangère y’a le choix : la croûte ou la mie, »
            « Et tel mon planning des choses vraies de la vie, »
            « Je te veux belle comme un avion de brebis ! »

            Le dieu fou finit son poème si rapidement que Dominique arriva, avec au cœur un certain nombre de sentiments plus ou moins contraires à eux-mêmes, et aux lèvres un certain nombre de questions qu’elle n’allait pas tarder à poser si le dieu fou ne l’entraînait de suite dans un endroit plus serein.

            Ce qu’il fit !

            Le parking de l’aéroport était presque désert. Le Camion, sachant que le dieu fou serait accompagné de Dominique, se découpait au loin dans une aimable attente.

            Ils arrivèrent tout près de lui, ouvrirent les portières qu’il convenait d’ouvrir et s’installèrent.

            C’est alors que le dieu fou tira son poème de sa poche, le piétina à deux mains, en fit une grosse boulette qu’il n’essaya même pas d’avaler mais qu’il jeta par la fenêtre.

            C’est aussi alors que Dominique oublia toutes ses lèvres, ainsi que leurs questions quant à son identité, soit multiple, soit occulte, soit autrement et fit une grosse bise au Camion.

            Celui-ci avait écrit :

                        « Pour Dominique,

            Le ciel est là,
            Ses nuages sont blancs,
            Ses quatre pattes ont un mouton
            Et si la cinquième est le vent,
            Les nues sont vêtues de ce qu’on ne voit pas.

                         Signé : Le Camion »


 

(...Suite)

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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 18:07

 
L’entrecôte de l’Etre se tâtait les flancs

 

            « Dieu tout à son omniscience, vit qu’Adam était seul. Alors il créa Eve. »

            Le dieu fou referma « Autant en emporte le vent » et se dit :

            « C’est costaud comme omniscience, mais c’est pas tout, je suis invité à déjeuner chez Dominique. Que m’aura-t-elle préparé cette fois-ci ? »

            Descendant du Camion, le dieu fou prit le trottoir le plus court et se saliva l’imagination sur fond de côte de bœuf à l’épaisseur subtile et sur le dessert dont le flan n’était pas toujours au caramel ou à la vanille mais au sein, encore plus savoureux, des surprises que Dominique lui préparait souvent.

 

            Ce fut un dieu fou dubitatif qui sortit de chez Dominique et au lieu de se poser les éternelles questions : « D’où venons-nous ? Où allons-nous ? » (il savait qui il était !) alla au restaurant.

            Car à chaque fois que Dominique lui préparait une omelette, il se demandait qui avait commencé : Dominique ou l’œuf ?

 

(...Suite)

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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 17:07

 

Il faut le même nombre de lettres pour écrire « gagner » et « perdre », mais c’est pas toutes les mêmes

            C’était vrai qu’il ne fallait jamais battre une femme.

            Le dieu fou errait, d’une folie maussade à un trottoir sans goût, le doigt de l’âme sous le bras.

            Tel qu’il se connaissait, sa notion du pardon ne pouvait inclure celle du rachat.

            Il dépérissait (à sa façon, c’est-à-dire rien que d’un côté – il lui fut toujours facile de faire n’importe quoi, à fortiori quand les conditions s’y prêtaient.)

            C’était une déperdition d’une telle qualité que lorsque le réveil fou s’était mis des petits drapeaux partout pour se déguiser en baromètre – parce que d’abord on dit pas drapeau, on dit grenouille – le dieu fou n’eut qu’un sourire indulgent envers le réveil fou.

            Il dépérissait, et la notion du mal bien enfoncée, il se jura bien de ne jamais plus battre Dominique au backgammon.

 

(...Suite)

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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 16:07

Genèse

 

            A l’origine, il y avait presque rien.

            Le presque c’était le Camion, le rien c’était le reste.

            Et après, eh bien, ça continuait comme avant, sauf que des fois le camion était en panne – surtout dans les montées.

            Alors le Camion, après avoir inventé la roue ronde, inventa la roue crénelée, parce qu’entre-temps l’œuf de l’escalier – c’est-à-dire la marche – avait été découvert dans une contrée dégénérée où le tapis roulant et l’ascenseur s’étaient coalisés pour prendre le pouvoir.

            Le putsch avait échoué.

            En fait, sa réussite ou son échec tenait à peu de choses : dans le quartier des prostitués – qui avait été trouvé depuis lors – la roue « crénelée » n’était pas connue sous cette appellation, mais sous le sobriquet ésotérique de roue « à dents ».

            Or le Camion, à cette même époque, avait une devise :

            « Qu’importe la côte pourvu que lève la dépanneuse. »

 

                                                                                      (... Suite)

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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 15:07

 Repos

 

            Le Camion essayait de calmer le réveil fou.

            Depuis trois jours qu’il n’avait pas bougé – le Camion – (le dieu fou étant encore en train de faire autre chose que ce qu’il ne faisait pas d’habitude, ce qui devait être normal puisque la nuit – trois jours avant, c’était la nuit – tous les tabacs ne sont pas gris et qu’il avait dû aller acheter des allumettes car il n’allait quand même pas laisser tomber le Camion – si ce devait être le cas, il aurait au moins pris le réveil en plus des trois chaussettes mauves et vertes – ou le contraire – du caleçon neuf et du carnet d’adresses où l’alphabet était usé surtout à Dos comme Dominique – et même un peu avant, comme A, B et C, et jusqu’à V comme Veux-tu ? – parce que il y a des pays où, que pour trouver des prénoms féminins commençant par W, X, Y ou Z, c’est plus difficile. Il y a bien Yollande mais il y a longtemps déjà qu’elle se fait appeler Dominique et si on demandait au Camion pour quelles raisons, ça resterait tout aussi mystérieux que tout ce qu’on ne sait pas à propos de n’importe quoi, ou à propos de quelque chose de précis.)

            Le Camion donc, à force de soulager le réveil fou, se sentit quand même plus tranquille quand il vit revenir le dieu fou.

            Le réveil fou se calma immédiatement tout en se disant :

            « On trouve toujours plus fou que soi ! »

 

Le dieu fou s'en revenait à quatre pattes.

 

      (Suite...)


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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 14:07

De la discrétion d’un carnet d’adresses

 

            « J’ai abordé les grands problèmes philosophiques et métaphysiques en alliant le discours rationnel au langage poétique. Si un premier dialogue cherche simplement à définir des notions (concepts), la méthode dialectique devient rapidement le moyen par lequel l’âme s’élève – par degrés – des apparences multiples et changeantes aux « Idées » (essence), modèles immuables dont le mode sensible n’est que l’image, du devenir à l’Etre, de l’opinion à la Science.

            Si la connaissance discursive (mathématique) joue à cet égard un rôle décisif, la forme supérieure du savoir est une vision (en grec : theôria), une intuition intellectuelle des Essences qui ont pour principe premier l’idée du Bien (en martien : Dieu). »

            Le réveil fou, les orteils dans le plâtre, rayonnait. Profitant de sa convalescence qu’il entrevoyait longue et heureuse, il découvrait les lois du thermomètre et de Platon.

            La fièvre de la Connaissance s’était emparée de lui… !

            Il délaissa le Petit Robert et consulta le petit carnet – celui qui avait des lettres partout à droite – que le dieu fou laissait habituellement à son côté. Très bien ! Il restait des pages blanches ! Le réveil fou voulait prendre quelques notes à propos de ce qu’il venait de lire :

            « La Durée, celle qui va d’un moment à un autre, répond à :

- la vapeur qui s’éclaire au gaz,

- aux patates dans le brouillard,

- au temps de cuisson,

- à la longueur du cerveau,

- à l’âge de la miette,

- à la largeur du tout,

- et à la hauteur de l’équation qui réduit à feu doux. »

            Il était vrai qu’il avait bien mangé ce soir-là et s’endormit.

            Le lendemain le dieu fou prit son carnet d’adresses pour une raison plus ou moins bien connue du réveil fou, et lut ce qu’avait inscrit celui-ci.

            Le dieu fou, pensant que c’était lui-même qui avait noté ça, ne s’en inquiéta pas du tout.

                (Suite...)

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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 13:07

Le côté pile de l’amitié

 

            Les rouages profonds des choses de l’univers étaient en marche et n’auraient pu être déviés par la moindre parcelle de conscience issue de quoi que ce soit.

            C’était ainsi. Au point que tout prédéterminisme qui se respecterait n’y aurait rien compris.

            Le réveil fou gisait aux pieds du Camion et du dieu fou.

            Il ne se lisserait plus les aiguilles, ne se les enfoncerait plus dans le gras de la minute pour vérifier qu’il rêvait. Le réveil fou était aussi inerte qu’il l’avait été maintes fois au cours de sa vie de réveil fou.

            Et le dieu fou était malheureux. D’un malheur aussi vrai que s’il avait perdu un ami – toute ressemblance avec un malheur qui aurait déjà existé ne serait pas le fruit du hasard, et ce malheur-ci pourrait même ne pas exister que ce serait pareil.

            Le dieu fou était très malheureux. Sans regrets, sans remords, car tout ce qu’il avait vécu avec le réveil fou était aussi important que ce qu’il n’avait pas vécu.

            Il se souvenait, alors qu’il avait à peu près le même nombre de doutes que de certitudes, des moments que le réveil fou avait pris à son propre compte afin qu’il – le dieu fou ou le réveil fou ? – puisse parfois rester encore plus longtemps avec Dominique. Ainsi que les arguments qu’il – le réveil fou – employait pour cela : « Il fait froid dehors ! », « Le mois de mai n’est pas l’aurore ! », « J’ai bien entendu la nuit tomber mais pas le reste ! », « Y’a pas que le jour qui pointe ! », « L’escalier descend aussi ! »…

Le dieu fou ne se rappelait pas de tout mais il était touché profond :

« Que le paradis des réveils t’accueille et qu’il te donne une chambre où le mal de mer est interdit de séjour, avec vue sur le temps qui passe au loin et vient boire un coup avec toi. Il te racontera comment s’aiment les réveils avec des ailes partout et des saints qui ne changent pas tous les jours. Il te présentera ta Dominique avec tout ce qu’elle avait déjà avant qu’elle ne te rencontre. Il te dira que le repos que tu avais déjà pris, tu avais raison de le prendre. Que les pigeons, c’étaient pas des anges. Que la plume n’était pas à l’aiguille ce que la botte de foin était à l’amour – même quand ça se passait bien. Que des statues, on n’en avait jamais fait pour les réveils, aussi inconnus soient-ils, et que comme tu avais vécu dans l’anonymat le plus serein, tu ferais bien de continuer avant qu’un savant fou ne te capture, même là-haut, et te fasse écrire tes mémoires.

Repose en paix, compagnon de tous les voyages et comme tu l’as fait parfois ici-bas, ne m’attends surtout pas. »


Le Camion ne disait rien.

Lui, qui connaissait pas mal de choses de la vie, savait qu’il n’avait écrasé que les orteils du réveil fou.

                                                          (Suite...)


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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 13:06

L’union perd la face

 

            Qu’un réveil sommeille et la bête s’éveille.

            Le dieu fou, qui n’avait pas vu Dominique depuis la dernière fois, avait forcé le Camion, alors que celui-ci avait trouvé chaussure à son pied, à se débarrasser de sa dernière route.

            Si bien que sur cette route neuve, une hernie fraîche passa par là et s’envoya un pneu du Camion, tel le dieu fou se faisant – à certaines époques printanières – mordre les doigts par Dominique, parce que ce n’était pas Dominique, et revenir aussi crevé que le Camion pouvait l’être actuellement de l’avant droit.

            Et le dieu fou était pressé.

            Le cric, qui en connaissait un bout sur l’érectilité soudaine de certaines choses, perçut nettement l’urgence de la situation.

            Un affreux bruit d’écrabouillés à l’orange et à la purée aussi indéfinissable qu’un brouillard qui ne serait pas là, suivit l’urgence.

            Le dieu fou, en vrai daltonien qui confondrait une grenouille avec une vache intimidée par la couleur de l’herbe, n’avait jamais prêté attention à l’amitié qui unissait, au sein du Camion, le réveil fou et le cric. Et il n’avait pas remarqué non plus le « réveil » fou se mélanger les lettres et faire « levier ».

                      (suite...)

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