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9 mars 2008 7 09 /03 /mars /2008 13:43

A la gare

           
            Le Camion s’étranglait les cervicales avant !

            Foin de pléonasme, il n’avait aucun doute là-dessus !

            Le coût du lapin aurait pu être plus élevé que le trottoir de droite, la fulgurance de la paralysie aurait été assurément la même.

            Et encore parce que ça aurait pas pu être pire !

            Le Camion était parqué ! oui, parqué ! comme un animal domestique dans un de ces lieux où l’abandon des camions était autorisé.

            Même si l’abandon était provisoire et même s’il fallait payer, c’était ignominieux !

            Un parking de gare… ! pourquoi pas le chenil, tant qu’il y était.

            Le dieu fou l’avait planté là et avait couru comme un ignoble vers la sortie la plus proche – que ne pouvait-elle être la plus éloignée !...

            Une gare – pas routière – le Camion savait ce que cela voulait dire : un train électrique avec des wagons et des rails, et les enfants s’amusent.

            Ils se font des chatouilles dans les tunnels, se frottent dans les virages, font semblant de rien dans les côtes et s’enlacent dans les descentes.

            Quel dégoût ! Le Camion imaginait sa route avec des voies d’un conformisme pareil, et qui réprimanderaient ceux qui se font des chatouilles dans les côtes, se frottent dans les descentes, s’enlacent dans les virages et qui ne voudraient pas fermer les yeux sur ce qu’ils se font dans les tunnels !

            Il en était là de son dégoût quand le dieu fou revint enlacé par…Dominique ?...

            Le Camion comprenait maintenant le pourquoi de la gare : Dominique y avait laissé l’arrière-train.
            Mais il ne comprenait pas pourquoi Dominique ne s’appelait plus Dominique, ni pourquoi elle était aussi ici.                       

                                                                (…suite)

ug_fck
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9 mars 2008 7 09 /03 /mars /2008 13:36

Tu viens déjeuner ?


           
Midi, l’heure où la petite ville devient grande si les petits camions ne la mangent pas.

            Et les petits camions avaient faim.

            Et voyaient rouge car ils n’étaient pas au vert. La famine qui sévissait ailleurs ne les regardait pas plus que les pyramides regardaient le nombril de Napoléon.

            Tout cela donnait au Camion l’impression d’être à un carrefour de l’histoire :

            « Qu’est-ce qu’on mange à midi ? »

            La rumeur de la rue n’était plus qu’un appel avide, un abîme gargouilleux aux borborygmes voraces, un gouffre torturé par ses propres déglutitions convulsives, papilles ensalivées au fond de gorges déchirées par les sucs âcres des salives bavantes jusqu’aux boyaux intra-caverneux – à l’écho creux – d’une écoute vide à engloutir sa langue en trois coups de klaxon orgiaques, long comme un intestin de comptoir débauché jusqu’aux amygdales et dont l’appétit s’exsangue au tréfonds des glandes biliaires, hépatiques en plein buffet, ulcéreuses au ras du foie cuisiné sur l’estomac tordu par la curée d’une boulimie grasse, dégoulinant ses doigts en boudin de réfectoire.

            Le dieu fou en cala Et pourtant le Camion était au régime.                   

                (...suite)

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9 mars 2008 7 09 /03 /mars /2008 13:28
Qui en est où de l'amour ?

            La route s’en venait par des chemins tranquilles. Le Camion, à son habitude, suivait gentiment. Le réveil fou, un peu mélancolique, rêvait d’amour et voulait finir son poème :

            « Mignonne, allons voir si l’osmose arrose nos contrées moites »

            mais pour l’instant il avait l’inspiration à peu près à l’altitude de « pâquerettes en boîtes », à son avis ce n’était pas vraiment une rime riche. Il avait connu des nouilles qui rimaient beaucoup plus, même s’il ne se rappelait pas comment : le dieu fou ? Dominique ? non ! Pourtant il l’aimait bien à Dominique, surtout quand elle le berçait avec ses doigts subtils à la caresse imperceptible. Combien de nuits douillettes avait-il passé dans l’échancrure des lendemains qui sont venus beaucoup plus tard. Et même quand le dieu fou lui tapait sur la tête – ce qui arrivait implacablement au jour de ces lendemains-ci – il n’avait jamais avoué cette faiblesse qu’il avait pour Dominique. De toute façon, le dieu fou lui donnait le mal de mer.

            Le réveil fou se replongea dans son poème :

            « Mignonne, allons voir si l’osmose arrose nos contrées moites »

            Quand le temps viendra, faudra que je lui montre, se dit-il. En effet, son ami le temps lui avait fait dernièrement découvrir quelques facéties dont la nature se rendait parfois coupable :

            « Une charogne infâme, sur un lit semé de cailloux, »

            « Les jambes en l’air comme une femme lubrique, » (…)

            Il y avait une idée derrière la bête. Même si « Les Fleurs du Mal » de Ronsard n’était pas son livre de chevet préféré – il lui faisait penser à un éditeur ambidextre de la fesse et de l’ouïe – il aimait beaucoup certains vers :

            « Coq aux crocs à poils mous, »

            « La cuisse absente fait mur ! » (…)

            Ceux-là faisaient mouche en son petit cœur tendre et le comblaient de doute quant au soi-disant apocryphe « L’Age Post-pubère de l’Os », aux éditions « Poésie pour Tous », du préhistorien, pourtant célèbre, Sigmund Baudelaire. Certaines fouilles avaient d’ailleurs révélé que l’Os, on ne se le mettait pas dans le nez ou dans la poche mais sous le bras.

            Bon, revenons à ma bergère, se dit le réveil fou :

            « Mignonne, allons voir si l’osmose arrose nos contrées moites »

              Un grand coup de pied dans les côtes et : « Tu es la honte de la gent horlogère ! » hurlé par le dieu fou, remit la suite du poème et des chemins tranquilles à plus tard.        
                                                         (…suite)
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9 mars 2008 7 09 /03 /mars /2008 11:56


Dominique

            Ce jour-là, le Camion se faisait penser à un croisement entre un chemin de traverse et une crise de foie.

            Le longeron pâteux, l’échappement trop souvent sollicité plutôt à tort qu’à travers, les marchepieds aux cors douloureux, le tout trop huilé dans les culots et pas assez dans le piston.

            Bref une journée à haïr sa place de parking préférée, sans parler du babillage de ses voisines dont la synthèse était si claire qu’il se prenait pour un Martien confronté à la psychologie féminine.

            Aussi soudainement que cela était parfois possible, se matérialisa à côté de lui un – oui – un Martien – enfin si c’était pas un Martien, ça lui ressemblait. Un engin avec des formes là où qu’il aurait pas fallu qu’il y en eut et pas de formes là où qu’il aurait fallu qu’il y en eut. Il ne savait pas si le vice-versa était de mise à ce moment-là car le bougre n’avait même pas de roues.

            « Je m’appelle Dominique et viens te soulager de tes tourments. »

            Télépathe en plus – aïe ! aïe ! aïe ! ça continuait bien.

            « Je vois que ce qui te fait souffrir, c’est ce que tu appelles la psychologie féminine ! »

            Ah ! bon… !?

            « Vois-tu, Camion, tu n’es qu’un camion, la Femme c’est autre chose ! »

            Ah… ! bon !... ?

            « D’abord ses qualités effacent ses défauts, sinon ce ne serait pas une femme, et le plus important c’est que tout ça elle le sait. Toi, tes défauts tu te les prends dans le coffre et tu te trimballes avec ! »

            Eh ! ce con ! il me prend pour une bagnole… !

            « Ensuite elle a le choix entre plusieurs voies, pas toi, avec ou sans clignotants ! »

            Ca, c’est vrai, quand j’y suis…

            « Attends ! De par les qualités inhérentes à elle-même, elle fera toujours le bon.

            Ah ! bon !

            « Tu vois que c’est pas difficile à comprendre la psychologie féminine, suffit d’expliquer ! Salut… »

            Eh !...

            Aussi soudainement que normalement c’était impossible, Dominique se dématérialisa.

            Le lendemain, pour le Camion, le chemin de traverse n’était plus qu’une hallucination, tout comme la crise de foie de la veille. Le dieu fou s’approcha de lui, s’arrêta, son regard dévia sur la droite et vers le haut. Il leva une main, l’agita et dit :

            « A bientôt, Dominique chérie… »     


(… suite)


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9 mars 2008 7 09 /03 /mars /2008 11:55


Jour d'automne    

    La campagne était belle, pleine de collines, d’herbes, de vaches et de pluie.
    Il y avait aussi des nuages au-dessus de la campagne.
    Des nuages qui n’auraient pas trompé un daltonien vu leur gris profond bien soutenu par les cordes qui s’en échappaient.
    Et le soleil aussi était au-dessus des nuages, mais là on ne le voyait pas.
    Tout ça était très beau.

    Et le Camion se demandait ce qu’il foutait dans un pareil pays.
   
    C’était de sa part une question qui, en soi, se justifiait d’elle-même !...
    A savoir : laquelle des énigmatiques voies ascendantes – habituellement au service du destin – allait choisir le dieu fou pour vérifier que la folie était toujours bel et bien en marche ?!
    A gauche une falaise – qui monte –, à droite un ravin – qui descend –, tout droit : un virage…

    C’était de plus en plus impénétrable ! – sinon imperméable à l’humidité qui s’infiltrait peu à peu dans les rouages du Camion.

    Au bout d’un moment et de la dernière côte, le soleil était sûrement là mais on ne le voyait toujours pas.

    Les nuages si ! mais plus bas, la pluie aussi ! mais pas plus bas.

    La route descendait, la falaise était à droite, le ravin à gauche et les virages en face…

    La monotonie se trouvait dans l’obligation de se répéter sous couvert d’une soupe au brouillard où les légumes pas encore morts se gèlent les fanes et où la cuillère est à couper au couteau.

    Ca commençait à sentir bon le repas de la veille.

   
    Au bout d’un autre moment et d’un des avant-derniers virages, le dieu fou voulut s’arrêter et le fit.

    Dominique avait-elle déménagé ?... !?

    Le Camion n’a jamais su ce qu’il foutait dans un pays pareil.
 

(...suite)

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9 mars 2008 7 09 /03 /mars /2008 11:54


C'est quand le marché ?

La grippe sévissait.

Le Camion était enrhumé jusqu’aux ouïes.

Bien qu’en ces temps ni plus ni moins reculés qu’actuellement, la lignée du têtard, de la grenouille et du camion ne soit toujours pas très bien définie, on sait quand même que du sinus au coléoptère la contagion se transmet plutôt angulairement que par atavisme. Il en est d’ailleurs de même pour le hanneton à branchies et le scarabée à élytres cosinusiens dont les nageoires ont disparu avec la tombée de la fièvre due à la grippe qui sévissait en ces temps ni plus ni moins avancés qu’actuellement.

Le Camion donc, la narine vague et la toux latente, se trouvait au carrefour de l’éternuement et du centre ville d’un de ces pays géographiquement placés n’importe où – il faut bien qu’ils soient quelque part – et dans l’état serein de quelqu’un qui se demandait si on pouvait être myope même dans le noir.

A ce propos, d’ailleurs, le réveil fou – il fallait l’avancer d’une heure de temps en temps : plus la grande aiguille avançait, plus la petite retardait – l’avait très bien éclairé :

   « C’est aussi simple que de faire un créneau à pied ! »

Ainsi renseigné, le Camion ne se prenait plus la tête, c’était déjà trop tard.

La culasse fétide et le radiateur suintant, il posait brumeusement une attention distraite sur un « P » blanc sur fond bleu foireux. Il en connaissait la signification et même si pour l’instant celle-ci lui échappait, il s’en accommodait parfaitement.

Le temps passait, le réveil s’accrochait, le Camion guérissait et le dieu fou dormait ou faisait autre chose.

Ce n’est que le lendemain de ces temps-ci que le Camion, recouvrant un brin de sa lucidité habituelle, se souvint qu’un « P » blanc sur fond bleu foireux signifiait : « Placarde », et qu’il entendit le dieu fou hurler :

   « Mais c’est pas possible ! T’as la capsule qui a sauté ! »

Remarque osée, adressée au réveil – qui dans sa jeunesse avait été électronique.

Ce que le dieu fou n’a jamais su, c’est que le Camion avait refilé la grippe au réveil fou et celui-ci pour une fois ne s’était pas trompé d’heure mais de jour.          

                                                     ( ...suite )

 

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